mercredi 1 février 2012

Quand le Barreau se tient!

Projet de loi C-22 modifiant la Loi sur le divorce

Valorisation de la coparentalité

Lise I. Beaudoin, avocate

La valorisation du rôle parental qui transparaît du projet de loi C-22 mérite d'être saluée « haut et fort », affirme avec fierté le Barreau du Québec dans un mémoire qu'il faisait parvenir récemment au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, en vue des auditions qui se tiendront au cours de l'automne. En effet, dans cette pièce législative modifiant entre autres la Loi sur le divorce, le gouvernement s'inspire en grande partie des règles applicables au Québec, notamment en ce qui a trait, d'une part, à l'accent mis sur les besoins et le meilleur intérêt de l'enfant et, d'autre part, à l'introduction en droit fédéral de la famille de la notion de responsabilités parentales, connue au Québec sous le nom d'autorité parentale.
Le contexte de la coparentalité y est pleinement reconnu, les mesures proposées dans ce projet de loi faisant en sorte que « les parents comprennent qu'ils demeurent parents malgré leur rupture, que leurs responsabilités à l'égard de leurs enfants continuent et que leurs décisions doivent être prises dans le meilleur intérêt de ceux-ci ». Voilà par conséquent une orientation gouvernementale qui satisfait le Barreau.
Outre ces constatations fort réjouissantes, le Barreau effectue dans son mémoire une analyse article par article du projet de loi C-22, plus particulièrement de ceux qui modifient la Loi sur le divorce.
Contexte: l'enfant d'abord
S'il est un secteur du droit qui a toujours retenu l'attention du Barreau, c'est bien celui du droit de la famille. Par l'entremise de son Comité sur le droit de la famille, il collabore en effet depuis des décennies à l'élaboration des lois importantes en ce domaine. On peut rappeler par exemple que, dans le présent dossier, le Barreau répondait en 2001 à une invitation du Comité fédéral/provincial/territorial sur le droit de la famille en remplissant le questionnaire Droits de garde et de visite et pensions alimentaires pour enfants au Canada découlant du document de consultation intitulé L'intérêt de l'enfant d'abord.
Le Barreau a par la suite examiné le rapport final de ce comité tripartite sur les droits de garde et de visite et les pensions alimentaires pour enfants intitulé L'enfant d'abord! Mais comme la diffusion de ce document a plus ou moins coïncidé avec le dépôt du projet de loi C-22 et que ce dernier reflète plus exactement la position gouvernementale en la matière, c'est ce texte législatif que le Comité du Barreau analyse dans le mémoire dont il est question ici.

Terminologie adéquate

Le Barreau note avec approbation que la terminologie nouvelle retenue dans le projet de loi décrit mieux la nature des relations parents/
enfants qui doivent survivre au divorce. Au point où il estime qu'il serait pertinent de l'adopter dans le Code civil du Québec. Le projet de loi favorise notamment les termes d'ordonnance parentale ou d'ordonnance sur les contacts personnels, plutôt que de continuer à employer ceux moins adéquats de garde et droits de visite. Ces derniers perpétuent une connotation « gagnant-perdant » qui risque souvent de mettre en péril l'équilibre devant exister entre les parents face aux enfants. On sait que, souvent, le parent n'ayant pas la « garde » a l'impression qu'il perd ses droits face à son enfant, ce qui est inexact en plus d'être non propice à une bonne entente entre les parents, écrit le Barreau.
Ce changement de vocabulaire présentera plusieurs avantages, croit le Barreau. Il se traduira dans les faits par l'emprunt du modèle québécois par les autres provinces et les territoires en ce qui a trait au maintien des responsabilités parentales après le divorce, peu importe qui sera le parent gardien. De plus, opine le Barreau, cette terminologie nouvelle aura l'effet bénéfique de responsabiliser davantage les parents en faisant appel à la notion de coparentalité, entraînant ainsi de surcroît une plus grande harmonisation du droit de la famille au pays.

Rôle accru de l'avocat?

Le Barreau entretient de sérieuses réserves face au nouvel article 9(2)b) de la Loi sur le divorce (LD) qui impose à l'avocat le devoir « de discuter avec son client de l'obligation de respecter toute ordonnance rendue au titre de la présente loi ». Avec cette obligation additionnelle, le projet de loi semble insinuer que les avocats sont largement responsables du non-respect des ordonnances prononcées par le tribunal lors d'un divorce. Si l'objectif peut paraître louable, il est illusoire de croire que cette « discussion » au sujet de l'obligation de respecter les ordonnances aura quelque effet sur l'observance ou la non observance de l'ordonnance par le client, débiteur de l'obligation, écrit le Barreau, car elle survient trop tôt dans le processus. Le fait par ailleurs d'imposer cette obligation à l'avocat dans le seul domaine du droit du divorce, a pour effet de discréditer l'avocat dans ce domaine particulier du droit, en lui imposant formellement et expressément une obligation déontologique qu'il a déjà.
Pour le Barreau, « il serait plus conforme au rôle de l'avocat que celui-ci explique à son client les conséquences que peut entraîner le non-respect des ordonnances, ce qu'il fait sans doute déjà, plutôt que de lui parler de l'obligation de les respecter ». En outre, cette nouvelle obligation que la Loi sur le divorce cherche à imposer à l'avocat ne se situe pas dans le même esprit que celles comprises dans le même article, le paragraphe 9(2)a) ayant pour but de prévenir les conflits en recherchant soit la réconciliation, soit un règlement amiable des questions en litige. Le Barreau croit que le législateur devrait se limiter à des obligations de cette nature qui sont beaucoup plus près du rôle de conseiller de l'avocat. Par conséquent, il recommande de retrancher le sous-paragraphe b).

Parent psychologique

Le sous-paragraphe 16 (1)b) LD introduit une notion nouvelle de parent psychologique (in loco parentis) fondée sur l'intention. Le Barreau se dit très hésitant face à l'introduction de pareille notion dans la loi. Elle est peu courante en pratique, vu notamment la très grande difficulté de prouver l'intention de tenir lieu de père ou de mère, et elle risque d'ouvrir la porte à des ordonnances parentales prononcées en faveur de tiers qui pourraient être contraire au meilleur intérêt de l'enfant, craint le Barreau. C'est pourquoi il recommande de retrancher les mots « ou a l'intention de le faire » du sous-paragraphe 16(1)b).
L'article 16(8) LD confirme la coparentalité en laissant le soin aux deux parents de décider des questions importantes touchant leurs enfants. Le Barreau note cependant avec étonnement qu'il n'y soit pas question du déménagement d'un parent avec un enfant à une distance qui exigerait une modification des ordonnances parentales prononcées par le tribunal. C'est pourquoi il suggère que la recommandation déjà faite en cette matière par le Comité tripartite soit ajoutée à la LD. Ainsi, le parent voulant déménager à distance avec son enfant devrait en demander l'autorisation au tribunal au moins 90 jours avant la date prévue du déménagement et envoyer un préavis au même moment à l'autre parent.
Retour au site Web du Barreau du Québec

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire